L’expérience de notre communauté face au COVID19

Couvent dominicain de Sainte Catherine à Belfast en Irlande du Nord

Compilé par Sr Eileen O’Connell OP, congrégation des Sœurs Dominicaines de Notre-Dame du Rosaire et de Sainte-Catherine de Sienne

Salutations de Belfast !

Depuis 150 ans, des sœurs de la congrégation des Sœurs Dominicaines de Notre-Dame du Rosaire et de Sainte-Catherine de Sienne vivent sur la Falls Road, d’abord au couvent de Saint-Dominique et maintenant au couvent dominicain de Sainte-Catherine. Actuellement, Sainte Catherine abrite une communauté de neuf sœurs : Sœurs Alicia Mooney, Eileen O’Connell, Kathleen Fitzsimons, Leila Newman, Maeliosa Byrne, Majella Fitzpatrick, Noreen Christian, Olive Cooney et Sheila McKinstry OP. Nous sommes âgées de 47 à 91 ans.

Communauté – Couvent Sainte-Catherine de Belfast

Invitées par l’évêque, les sœurs dominicaines sont venues assurer l’éducation des filles dans la ville en pleine expansion qu’était Belfast en 1870 – un port florissant, un géant industriel et le lieu de naissance du Titanic. Ces premières sœurs n’auraient jamais pu prévoir que leurs descendantes auraient continué à éduquer les filles – de la maternelle à l’université – pendant les deux guerres mondiales et les trois décennies du conflit en Irlande du Nord, et jusqu’à une période de paix relative qui a suivi l’accord du Vendredi Saint. Elles n’auraient pas imaginé Belfast telle qu’elle est aujourd’hui – une ville universitaire dynamique et une destination touristique populaire. Une fois de plus, la ville est confrontée à des défis et à des incertitudes alors qu’elle est aux prises avec les conséquences et l’impact du COVID19 et du Brexit.

Murales de Falls Road

Bien que nos sœurs de Belfast ne travaillent plus à l’école et que la plupart des membres de notre communauté soient à la retraite, nous continuons à maintenir des liens solides dans la communauté. Durant cette période de restriction et de confinement, nous sommes forcées de penser à ce que nous sommes et à ce que nous sommes appelées à être et à faire dans cette ville en ce moment. Lors d’une récente réunion communautaire, nous avons eu un partage sur l’impact du COVID19 sur nous personnellement, en termes de relations avec notre famille et nos amis, entre nous dans la communauté, et par rapport à notre ministère. En tant que sœurs, nous avons partagé des informations sur le ministère, nous avons identifié les défis et les opportunités que le COVID19 représente pour nous et pour ceux avec qui nous exerçons notre ministère. Nous avons vécu cette réunion comme un temps béni, un exemple de communication honnête et authentique, et de partage profond entre nous.

Nous partageons avec vous certaines de nos réflexions sur la manière dont ces mois de pandémie ont affecté nos ministères.

Sr Alicia est notre prieure. Elle estime que la pandémie n’a pas eu beaucoup d’impact sur son ministère car, en tant que prieure, son occupation se situe principalement au sein du couvent. Néanmoins, elle se fait davantage de soucis pour les sœurs de notre communauté car certaines sont très limitées en ce moment. En outre, elle passe plus de temps à parler au téléphone et à envoyer des courriels et des SMS parce que les gens ne peuvent pas visiter notre communauté. Après plus de 40 ans, Sr Alicia est de retour dans sa ville natale. Bien que son ministère de prieure lui permette d’organiser des rencontres avec sa famille, la pandémie a empêché cela. Pour le moment, même rendre visite à sa sœur qui est malade à l’hôpital est impossible. En ces mois de restrictions, Sr Alicia partage : « J’apprécie davantage le pouvoir de la prière pour ma communauté, ma famille, mes amis et le monde entier qui souffre dans cette pandémie. »

Sr Eileen a partagé sur ses ministères actuels et son futur ministère potentiel. Jusqu’à la fermeture à la mi-mars, le principal ministère de Sr Eileen était celui d’aumônier-adjoint de l’aumônerie catholique de l’Université Queen’s à Belfast. Elle n’a exercé ce rôle que le temps d’une année universitaire (2019-2020). En raison de la pandémie, les événements liés à certains de ses autres ministères n’ont pas eu lieu : la semaine de vacances pour 100 enfants organisée par St Vincent-de-Paul (Sr Eileen se porte volontaire pour animer cette semaine) ; la semaine de musique et de liturgie Knockadoon ; la conférence annuelle des groupes de religieux en formation ; la marche El Camino avec un père du MSC et un groupe de jeunes adultes. Certains de ces aspects, ainsi que ses autres engagements, continuent d’être possibles, bien que ce ne soit qu’en ligne pour le moment. Elle éprouve une certaine tristesse et un sentiment d’égarement à ne pas pouvoir rencontrer les personnes avec lesquelles elle exerce son ministère. Bien que en continuant à se connecter avec les gens et à les soutenir par des moyens virtuels, être en leur présence lui fait défaut. Elle continue à discerner les possibilités de ministère à Belfast et a été en contact avec diverses personnes sur plusieurs projets. Il existe de nombreuses possibilités intéressantes, mais il ne lui est pas encore possible de s’impliquer. Pour Sœur Eileen, le défi de la pandémie consiste à attendre patiemment que les restrictions soient levées et que les portes s’ouvrent à nouveau.

Sr Kathleen est thérapeute familiale et travaille avec Spirasi (une ONG fondée par les Pères Spiritains). Spirasi propose un programme de réhabilitation psychologique pour les personnes qui sont arrivées en Irlande et qui ont subi des tortures dans leur pays d’origine. Sr Kathleen suit 15 familles. Avant la pandémie, cela avait lieu dans le centre de Spirasi à Dublin et les familles venaient de toutes les régions d’Irlande pour y assister. Aujourd’hui, ces sessions se déroulent en utilisant Zoom. Bien qu’il ait été un recadrage pour les familles et les thérapeutes, le programme Zoom présente également des avantages : les familles ne sont pas confrontées à la difficulté de parcourir de longues distances, souvent en utilisant les transports publics (pour certaines familles, cela peut signifier passer presqu’une journée entière de déplacement pour se rendre à leur séance de thérapie et en revenir) ; il peut être plus facile pour les enfants d’être chez eux et ils peuvent se déplacer pendant que les parents parlent de questions plus sensibles. Toujours par le biais de Zoom, Sr Kathleen facilite la conversation pour un groupe de 15 mères arrivées en Irlande. Toutes ne parlent pas l’anglais mais, grâce aux interprètes fournis par Spirasi, ces réunions sont l’occasion pour ces mères de comprendre les défis de l’éducation des enfants en Irlande lorsqu’elle est différente des modèles d’éducation des enfants dans leur pays d’origine

Sr Lelia fait partie de nombreux groupes, principalement axés sur la paix et la non-violence. Bien qu’elle ne puisse pas sortir dans la situation actuelle, elle continue à maintenir le contact avec certains de ces groupes. Elle nous a parlé un peu de son travail avec Pax Christi et du travail de cette organisation sur la non-violence chrétienne, ce qu’elle voit reflété dans le contenu de « Fratelli Tutti». En 2007, Sr Lelia a reçu le prix de la paix de Pax Christi.

Depuis sa retraite de l’école, Sr Maeliosa travaille comme bénévole avec Mlle Denise Flack, aumônier catholique pour tous les diocèses d’Irlande du Nord (sous les auspices de l’Aumônerie Nationale pour les Sourds de toute l’Irlande : ANS). La pastorale est très importante pour les sourds. Sr Maeliosa dit « qu’ils aiment que nous soyons présents auprès d’eux, que nous les accompagnions et que nous nous intéressions à eux. Dans certains cas, les dispositions règlementaires liées au COVID-19 s’ajoutent au sentiment d’isolement déjà ressenti par beaucoup, en particulier par les personnes sourdes âgées. Elles nous disent que nous leur manquons quand nous ne sommes pas en leur compagnie ». Le ministère de Sr Maeliosa consiste à préparer et à projeter des présentations Powerpoint pour les Sourds lors des messes et autres liturgies à Belfast, Derry, Armagh, Enniskillen et dans d’autres paroisses des diocèses du nord, à préparer et à participer à des retraites et pèlerinages résidentiels, à donner une assistance lors de funérailles, à rendre visite aux familles, etc. Tous les moyens de communication sont utilisés. Si le prêtre peut signer, c’est un plus ; sinon, Denise ou un autre interprète traduit en langue des signes. Les personnes sourdes signeront les lectures et les prières – l’interprète parlera pour les personnes entendantes. La langue des signes britannique (BSL) et la langue des signes irlandaise (ISL) sont utilisées en fonction du groupe. Sr Maeliosa a partagé certains des défis du travail avec les personnes sourdes lorsque la présence physique aux réunions et aux rassemblements n’est pas possible. En respectant les restrictions, sa collègue Denise continue de se connecter avec les sourds par le biais de la messe signée en ligne, des services de prière et de la création de pèlerinages « virtuels » dans des lieux que nous espérons visiter à l’avenir. Sr Maeliosa est impatiente d’assister à la messe et de s’impliquer à nouveau pleinement dans la vie de la communauté des sourds et espère que ce sera bientôt le cas.

Sr Maeliosa est également responsable des archives de notre communauté avec l’aide experte de l’archiviste, Mlle Patricia Kernahan, qui espère reprendre son travail très bientôt lorsque les restrictions le permettront.

Sr Majella considère que son ministère principal est actuellement d’offrir un soutien aux directeurs de deux écoles locales : St Dominic’s Grammar School et St Paul’s Primary School. La sagesse acquise durant sa longue expérience de l’école et de sa direction fait qu’elle y est bien adaptée. Elle décrit son ministère comme « le fait de les garder (les directeurs d’école) sains d’esprit dans tout ce qui concerne leur rôle ». Elle leur apporte une oreille attentive et des conseils judicieux pour les aider à négocier diverses situations, tant avec le personnel et les élèves qu’avec les familles des élèves. Dans les conditions de confinement, lorsque Sr Majella ne peut pas rencontrer les directeurs ou se rendre dans les écoles, elle les soutient par téléphone. La pandémie ajoute un grand degré d’incertitude et d’anxiété en ce qui concerne la sécurité et le bien-être de la communauté scolaire, la gestion des règlements de santé et de sécurité en constante évolution et la planification des situations où un élève ou un membre du personnel ne se sent pas bien.

Pour Sr Noreen, la plupart des domaines de ministère et de connexion dans lesquels elle est impliquée ne peuvent plus se faire que via Zoom. Cela représente une alternative dans certains cas. Cependant, tout ne peut pas être adapté aux formats en ligne et certains ministères sont en attente, par exemple les soirées de prière mensuelles de Taizé dans la chapelle de notre couvent et les rencontres Centering Prayer deux fois par mois dans notre bibliothèque n’ont pas lieu pour le moment. Sr Noreen participait régulièrement à un groupe mensuel Centering Prayer à Dublin. Tout récemment, cela a recommencé, mais plutôt que de se réunir physiquement, cela se passe en utilisant Zoom. Au cours de ces mois, Sr Noreen a renoué avec une amie de longue date, Gail, qui vit maintenant en Australie et qui est ravie de pouvoir participer à cette matinée de prière en ligne.

Sr Noreen a réfléchi à l’impact plus large de cette période sur nous en tant que communauté. Le fait de vivre en face de l’hôpital Royal Victoria, qui est très impliqué dans le diagnostic et les soins des patients atteints de COVID, nous rappelle constamment leur situation difficile. Se voir interdire tout geste d’amour, de soins ou de soutien nous semble très étranger, inhumain et non chrétien, pourtant, malheureusement, c’est ce qui doit être la politique dans une situation de pandémie. La prière, en tant qu’individus et en tant que communauté, est la seule voie d’amour qui s’offre à nous et nous la parcourons plusieurs fois par jour.

Sr Olive fait beaucoup pour aider les sans-abris ou les personnes qui dorment dans la rue à Belfast. Jusqu’au confinement, elle passait une journée entière, de 8h à 16h, au sein de la Welcome Organisation, une organisation caritative de Belfast qui offre un abri, de la nourriture et un soutien aux sans-abris et aux personnes vulnérables. Sr Olive s’occupait de la lessive, du lavage, du séchage et du pliage des vêtements de ceux qui venaient au centre – elle vit cette maxime : « Si je peux faire quelque chose, je le ferai de la bonne manière et de la meilleure manière ». Par deux fois, Sr Olive a reçu le prix de la personne de l’année pour son dévouement à l’égard des sans-abris et pour les soins qu’elle leur apporte. Lorsque la pandémie a frappé, la Welcome Organisation a été fermée. Aujourd’hui, elle a rouvert ses portes, mais seulement pour une courte durée chaque jour et en nombre limité. Bien que Sr Olive ne puisse pas travailler dans la blanchisserie pour l’instant, elle continue à s’occuper de ceux qu’elle connaît grâce à sa présence – lorsqu’elle les rencontre en ville, elle parle avec eux et les accompagne dans un café afin qu’ils puissent choisir ce qu’ils aimeraient manger avant qu’elle ne le leur achète. Pourtant, le temps qu’elle passait au sein de la Welcome Organisation lui manque et elle ressent une véritable tristesse face aux limites que le COVID impose à ses contacts avec les personnes qui y viennent. De plus, Sr Olive aide deux retraités en leur faisant les courses, une ou deux fois par semaine et en les leur livrant. Elle fait don de son temps et de son amitié à ces deux personnes depuis plus de 40 ans maintenant, et continue à le faire tout au long de ces mois. Chaque après-midi pendant le confinement, Sr Olive a prié – au téléphone – avec une personne malade et confinée chez elle.

Chaque jour, Sr Sheila rend visite à Clare, une dame âgée qui vit seule et fait des courses pour elle. En raison des restrictions actuelles, Sr Sheila ne peut plus entrer chez Clare, mais doit se tenir à la porte. Malgré cela, les appels quotidiens de Sr Sheila signifie que Clare a quelqu’un à qui parler et sait qu’elle peut obtenir la nourriture et les médicaments dont elle a besoin.

Une sœur nous a rappelé que nous avons aussi notre ministère dans notre communauté, les unes envers les autres, quelque chose qui fait toujours partie de notre vie mais qui est peut-être encore plus important pendant cette période. Nous devons être attentives les unes aux autres et à la façon dont chacune se porte, et être conscientes que cette période nous a toutes touchées différemment. Il est important que nous réfléchissions à la façon dont nous pouvons nous écouter les unes les autres et savoir comment sont réellement nos sœurs.

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